Description
« Il y a plus de quinze ans, une phrase m’est venue, comme malgré moi, revenue, plutôt, singulière, singulièrement brève, presque muette : Il y a là cendre. Là s’écrivait avec un accent grave : là, il y a cendre. Il y a, là, cendre. Mais l’accent, s’il le lit à l’oeil, ne s’entend pas : il y a là cendre. À l’écoute, l’article défini, la, risque d’effacer le lieu, la mention ou la mémoire du lieu, l’adverbe là… Mais à la lecture muette, c’est l’inverse, là efface la, la s’efface : lui-même, elle-même, deux fois plutôt qu’une. Cette tension risquée entre l’écriture et la parole, cette vibration de la grammaire à la voix, c’est aussi l’un des thèmes du polylogue. Celui-ci, semble-t-il, se destinait à l’oeil, il ne s’accordait qu’à la voix intérieure, une voix absolument basse. Mais par là même il donnait à lire, il analysait peut-être ce qu’une mise en voix pouvait appeler et à la fois menacer de perdre, une profération impossible et des tonalités introuvables. » J.D.